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Lancement du cycle de séminaires « Autonomie(s), indépendance et dépendances »

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Alors que les projets financés dans le cadre du PPR Autonomie visent à interroger la notion d’autonomie, l’équipe du PPR, en partenariat avec la Fédération pour la recherche sur le handicap et l’autonomie (Fedrha) et l’Institut de la longévité, des vieillesses et du vieillissement (ILVV), lance un cycle de séminaires en ligne intitulé « Autonomie(s), indépendance et dépendances ». Pensés comme des espaces de dialogue interdisciplinaires autour des enjeux de définition et de mesure de l’autonomie, ces séminaires se dérouleront tout au long du premier semestre 2024. Claude Martin, sociologue, Président du Conseil scientifique du PPR Autonomie, revient dans cette interview sur les enjeux scientifiques de ce séminaire.

Photo de Claude Martin
PPR Autonomie. Le Conseil scientifique du PPR Autonomie, lorsqu’il a élaboré la feuille de route scientifique du programme, a identifié comme premier défi celui de définir l’autonomie et les modalités de sa compréhension et de sa mesure. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet enjeu scientifique, et sa traduction dans la sphère sociale et politique ?

Claude Martin. La notion d’autonomie connaît en France un succès incontestable dans de nombreux champs de travail et de politique publique. On parle de l’autonomie de l’élève dans la sphère de l’éducation, de l’autonomie au travail, et dans le champ qui nous intéresse de l’autonomie des personnes âgées et handicapées. Cette notion est entrée dans le lexique de la protection sociale avec la création de l’allocation personnalisée à l’autonomie en 2002 – prestation venant se substituer à la prestation spécifique dépendance – puis avec la création en 2005 de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui gère aujourd’hui la cinquième branche (dite autonomie) de notre système de sécurité sociale.

Le choix de remplacer la notion de dépendance par celle d’autonomie avait notamment pour vocation de privilégier une logique de soutien et d’aide aux personnes pour maintenir leurs capacités en évitant une approche strictement déficitaire. Pour autant, nous savons que d’autres pays, y compris au plan européen, n’ont pas fait ce choix de l’autonomie pour nommer ce secteur. Le consensus en Europe est plutôt de parler des soins de longue durée ou Long term care. Cette notion de care ou de social care n’a en revanche pas vraiment trouvé d’écho en France, sauf dans le champ scientifique et malgré quelques tentatives de défendre au plan politique, une « société du care ».

La conception d’un programme de recherche sur l’autonomie ne pouvait évidemment pas faire l’économie d’une réflexion approfondie sur cette notion, dans toutes ces composantes (philosophique, historique, juridique, psychologique, sociopolitique, médicale, technologique, etc.). De même la conception d’une politique publique ou d’innovations en la matière nécessitait d’éclaircir et d’opérationnaliser l’usage de cette notion dans des champs d’action publique et d’interventions.

Non seulement le conseil scientifique du PPR a fait de ce travail de définition un des quatre défis à relever pour ce programme, mais il a aussi invité chaque équipe à délimiter dans leur projet leur approche de l’autonomie.

PPR Autonomie. Conduire cette discussion scientifique autour du concept d’autonomie appelle un croisement des regards disciplinaires. Pourquoi l’interdisciplinarité est-elle nécessaire ?

Claude Martin. En effet, comme je l’ai rapidement évoqué, la notion d’autonomie est pluridimensionnelle et elle a fait l’objet d’approches très diversifiées, parfois complémentaires, selon les disciplines. Comme souvent en sciences humaines et sociales, la contribution de la philosophie est fondamentale. Sans avoir ici l’espace, ni à proprement parler les compétences pour un développement substantiel, le concept d’autonomie évoque a minima l’idée de déterminer soi-même ses propres lois (nomos), de s’autodéterminer, de décider pour soi dans le respect de la liberté d’autrui. Mais cette notion est également cruciale dans de nombreux autres champs disciplinaires comme la psychologie, les sciences de l’éducation, les sciences de la santé, mais également dans le champ de la recherche technologique, a fortiori pour ces technologies (parfois elles-mêmes autonomes) qui sont mises au service de l’autonomie de fonctionnement, de déplacement etc. d’une personne.

Comme c’est précisément la vocation du PPR autonomie que de mobiliser, et de renforcer au moins la pluridisciplinarité (autrement dit des approches complémentaires de chaque contribution disciplinaire) mais, toutes les fois où cela est possible, l’interdisciplinarité, qui suppose un dialogue et une co-construction théorique par des représentants de diverses disciplines, méthodes et cultures disciplinaires, il allait de soi que nous devions promouvoir et faciliter ce dialogue pour aborder non seulement des questions théoriques, mais aussi des questions méthodologiques, en particulier sur les indicateurs de l’autonomie et sur sa mesure.

PPR Autonomie. Pour terminer, et en conclusion, que peut-on attendre des présentations et des discussions qui se tiendront dans le cadre de ce séminaire ?

Claude Martin. Le conseil scientifique est tout à fait enthousiaste de la mise en œuvre de ce séminaire. Il va permettre de créer un espace de dialogue, déjà entre les onze consortiums, qui mobilisent plus de 250 chercheurs et chercheuses, en provenance d’une grande diversité de disciplines et de domaines. Mais au-delà de ce cercle, il va aussi permettre à tous ceux qui s’intéressent à ces questions, comme professionnels du champ, décideurs publics, ou usagers et bien entendu chercheuses et chercheurs, de se nourrir de ces échanges, de se construire une culture commune, tout en s’ouvrant sur la manière dont ces enjeux sont formulés à l’échelle internationale. Les premières séances mobilisent déjà plusieurs des meilleurs spécialistes de ces questions dans le champ du droit social, de l’histoire sociale, de l’histoire du handicap, de la philosophie, de la médecine de réadaptation.

La mise en œuvre de ce séminaire est un levier supplémentaire de structuration de ce champ de recherche prioritaire. Une nouvelle source de satisfaction pour ceux qui ont œuvré à son déploiement. J’en profite donc pour remercier sincèrement ses trois co-organisateurs, Myriam Winance, Philippe Martin et Olivier Lipari-Giraud.

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