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Emission live #2 – Récit de soi : vieillir, se rétablir et s’émanciper

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Faire le récit de soi au sein d’un groupe peut-il contribuer au rétablissement des personnes et, ce faisant, à leur autonomie ? Réponse avec la psychologue clinicienne Ketty Steward autour de la présentation des travaux de sa thèse, et des échanges qui s’en sont suivis avec nos invités, Isabelle Galichon, docteure en littérature francophone et comparée, et Rémi Boissy, chorégraphe et metteur en scène.

Présentation de la thèse de Ketty Steward

Visuel de présentation de Ketty Steward. Photographie de Ketty Steward. Biographie : Ketty Steward est psychologue clinicienne et chercheuse, autrice de fictions et animatrice d'ateliers d'écriture. Lors de son travail de recherches doctorales consacrées au soin de la dépression du sujet âgé, elle a mis en place et étudié les effets d'une activité collective dédiée à la narration. Faire le récit de soi et agir sur son rapport au temps permet-il de se rétablir ?

La dépression est moins bien diagnostiquée et moins bien traitée chez les personnes âgées que dans le reste de la population générale. Elle se manifeste en effet avec des symptômes atypiques, qui sont parfois difficiles à dissocier des symptômes d’autres pathologies. En outre, nos représentations sociales suggèrent qu’il est normale que les personnes âgées éprouvent une éprouve de la tristesse.

Dans sa thèse, Ketty Steward utilise le paradigme du rétablissement. Il s’agit là d’un usage peu commun, ce paradigme ayant émergé au sein de patients souffrant de maladies chroniques comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires. Le concept a récemment été détourné de son usage premier – apprendre à “vivre avec” une pathologie et retrouver ainsi du pouvoir d’agir -, pour servir à remettre des personnes jeunes en capacité de travailler. Appliquer le paradigme du rétablissement dans le cadre de la clinique du sujet âgé le ramène à ses origines en se concentrant sur la recherche des ressources dont disposent les individus pour mener à la vie à laquelle ils aspirent.

Pour Ketty Steward, les récits sont omniprésents car c’est à travers eux que nous cherchons à faire sens du monde qui nous entoure et de notre expérience de vie. Elle a abordé les pratiques de récit de soi avec un outil de psychologie : celui de la “perspective temporelle“, qui permet de caractériser et décrire les différents rapports au temps des personnes et leurs évolutions au cours de la thérapie.

Le dispositif de soin qu’elle a mis en place a pris la forme de 10 séances réunissant un groupe de 5 à 10 personnes fréquentant un hôpital de jour en psychiatrie du sujet âgé. Les participants et participantes étaient invités à écrire un court texte évoquant un élément de leur histoire personnelle, en lien avec le thème de la séance, puis s’ensuivait un moment de partage et de discussion autour des écrits de chacun.

Visuel de citation : "Travailler sur le rétablissement de la personne âgée peut paraître étrange [...], mais cela permet de revenir au cœur de ce qu’était son idée : retrouver ses ressources, du pouvoir d’agir, retrouver du sens à sa vie, retrouver son identité et se connecter aux autres. Tout cela fait partie du rétablissement et n’a pas grand-chose à voir avec l’utilité économique des personnes." Ketty Steward

Afin d’éviter que les personnes impliquées dans son dispositif de soin ne produisent des récits conformistes et stéréotypés, influencés par le contexte du soin et la présence d’une psychologue, Ketty Steward a favorisé une approche non-chronologique du récit de vie. La dynamique de groupe contribuait également à créer un cadre d’échanges plus vivants et plus riches.

Si la relation de soin et son cadre peuvent agir comme des contraintes, ce sont également des points d’appui pour travailler au rétablissement de l’autonomie des personnes. L’imposition de l’écriture a été vécue par les patients comme quelque chose de positif. Cependant, dans un contexte clinique ou les souhaits et la volonté des patients sont encore trop souvent ignorés par les équipes soignantes, il reste important d’apprendre à se mettre en retrait une fois que les personnes prises en charge sont de nouveau en mesure de faire des choix et d’agir par elles-mêmes pour contribuer à leur propre rétablissement.

Visuel de citation : "J’ai été assez vite confrontée au fait que nous sommes plus souvent en rapport avec des récits sur le monde qu’avec le monde lui-même, dans sa complexité. Le rôle des récits m’est apparu assez vite : ils sont ce sur quoi nous nous appuyons pour donner du sens à ce que l’on vit. Je me suis aperçue en faisant des ateliers d’écriture de fiction, que les gens s’en saisissaient pour faire ce travail de mise en sens." Ketty Steward

Table-ronde

La table-ronde avec les intervenants Rémi Boissy et Isabelle Galichon a été l’occasion de présenter leurs activités, puis de discuter de problématiques communes, en lien avec le travail de Ketty Steward.

Visuel de présentation de Ketty Steward. Photographie de Ketty Steward. Biographie : Ketty Steward est psychologue clinicienne et chercheuse, autrice de fictions et animatrice d'ateliers d'écriture. Lors de son travail de recherches doctorales consacrées au soin de la dépression du sujet âgé, elle a mis en place et étudié les effets d'une activité collective dédiée à la narration. Faire le récit de soi et agir sur son rapport au temps permet-il de se rétablir ?
Visuel de présentation d'Isabelle Galichon. Photographie d'Isabelle Galichon. Biographie : Isabelle Galichon est chercheuse associée au laboratoire Plurielles et docteure en littérature francophone et comparée. Cotitulaire de la chaire Médecine narrative - hospitalité en santé (CHU et Université de Bordeaux), elle est l'autrice de l'ouvrage Manifeste pour la médecine narrative - Pour une politique de la littérature dans le soin (Editions du Bord de l'eau, collection "Récits & soins", novembre 2024).

Isabelle Galichon a présenté succinctement la médecine narrative : sa naissance dans le courant du XXe siècle dans la sphère anglophone, puis son développement dans d’autres pays et en France, plus récemment avec la création à Bordeaux de la chaire Médecine narrative – hospitalité en santé. Ce courant s’est principalement penché sur les enjeux du développement de “compétences narratives” chez les soignants, afin d’améliorer les relations de soin.

Rémi Boissy a présenté la compagnie de théâtre Fearless Rabbits, intéressée par la question de la mémoire, de ses manifestations et de son effacement. Plus particulièrement, son projet Human Old Movements Old Stories (H.O.M.O.S) se penche sur les troubles mémoriels, qu’il a été observer dans deux EHPADs en organisant des ateliers faisant collaborer des patients, leurs familles et des soignants autour de ce qu’il appelle des “objets chéris” et des souvenirs dont ils sont porteurs.

Citation : "En novembre 2023, à Bordeaux, nous avons créé la Chaire médecine narrative - hospitalité en santé, dont l’enjeu est notamment d’aborder la question de la médecine narrative au sein de la formation initiale. Il s’agit de pouvoir accompagner les soignants pour qu’ils soient plus réceptifs au récit du patient." Isabelle Galichon

Une première question transversale portait sur les manifestations de l’autonomie à travers les pratiques narratives organisées dans un cadre médical. Les trois intervenants entretiennent des rapports volontairement distants et critiques avec la notion d’autonomie.

Pour Ketty Steward, c’est un terme trop focalisé sur l’individu, alors qu’en société nous ne faisons rien seuls : certaines dépendances ont été stigmatisées, et elle aide ses patients à lutter contre cette stigmatisation à travers la force des espaces collectifs qu’elle propose. Isabelle Galichon ajoute qu’en médecine narrative, les ateliers comprennent toujours une dimension d’échange autour des expériences des différentes parties-prenantes du soin. L’émancipation, un processus choisi, est quant à elle à distinguer de l’autonomie.

Rémi Boissy considère que la volonté de participation des personnes atteintes de troubles mémoriels témoigne de leur autonomie : leurs pathologies ne les rend pas moins aptes à manifester leurs choix.

Tous insistent sur le besoin de temps et d’un cadre approprié à la manifestation des choix et des personnalités des patients : temps long, attention portée au consentement et aux relations de soin, ouverture d’un espace libre de toute visée prédéterminée.

Citation : "Le fait même que les celles et ceux qui ont participé au projet que le collectif porte est une forme d’autonomie, pour moi, puisqu’ils ont choisi de rester. Même avec des troubles mémoriels - et parfois des troubles psychiques - ils ont fait un choix : ils ont décidé de se raconter à des personnes qu’ils ne connaissaient pas." Rémi Boissy

La seconde question transversale portait sur les composantes sociales et médicales des dispositifs de soin par le récit de soi.

Le projet H.O.M.O.S a indéniablement une portée sociale, puisqu’il s’agissait d’aller à la rencontre de personnes inconnues pour tisser du lien autour de leurs souvenirs. Pourtant, Rémi Boissy précise que ces ateliers ont eu, sans que cela soit prévu, un intérêt médical pour les soignants.

Pour Ketty Steward, son dispositif était conçu avant tout comme médical, mais il s’est éloigné de ce prisme et de sa tendance au contrôle, à sa volonté de prévoir la façon dont a lieu le processus de rétablissement. Il est pour elle impossible de savoir quels seront les effets de ses ateliers : chaque patient s’en saisit à sa façon, avec ses ressources, selon une temporalité qui lui est propre. Le soin consiste davantage en une proposition ouverte qu’en un programme à suivre et compléter.

Visuel de citation : "Notre projet consiste en premier lieu en une rencontre, donc il y a déjà un lien social qui se tisse de manière très primaire. [...] Il y a une connaissance à l’intérieur de ces récits qui est importante pour les équipes médicales, pour mieux accompagner, mieux encadrer - mieux connaître, aussi, tout simplement." Rémi Boissy

L’épopée : la reco culture de Marianne Vigneulle

Visuel de présentation de la première de couverture du numéro de L'épopée sur La Roche Bellusson. Sur fond bleu, semble se détacher les formes blanche de repères topographiques.
Visuel de présentation de l'intérieur d'un numéro de L'épopée : double page avec des extraits de témoignages et une photographie représentant une famille devant le bâtiment d'une conciergerie.

Marianne Vigneulle, responsable de la médiation scientifique du PPR Autonomie, nous suggérait cette fois-ci de découvrir un projet éditorial singulier, fruit d’un travail de médiation culturelle au près de personnes âgées. Les différents numéros de L’Épopée proposent tant des visites que des témoignages et des récits de personnes qui ont bien connu les lieux qui y sont présentés – la Normandie, la Brenne, le Chemin de l’île à Nanterre ou encore un tiers-lieu de l’Yonne.

A découvrir sur leur page HelloAsso !

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