Qu’est-ce que la pair-aidance ? Qui sont les pairs-aidants et comment le devient-on ? Comment permettre à ces pratiques de se développer et de trouver toute leur place dans les secteurs du soin et de l’accompagnement ?
Réponse avec Eve Gardien autour de la présentation de son ouvrage et en discussion avec Laetitia Rebord, Yves Bancelin et Maxime Oillaux.
Présentation du livre d’Eve Gardien

Des intitulés issus du terrain
La notion de pair-aidance a émergé au sein des pratiques d’accompagnement et de soutien par les pairs : ce sont les praticiens eux-mêmes qui ont nommé leurs propres activités.
D’autres termes ont également été utilisés, faisant référence à des phénomènes relativement similaires : en francophonie, la médiation en santé pair, le travail pair, l’expertise du vécu, la pair-émulation ; dans le monde anglophone, le peer support, le self peer counseller, le peer specialist, etc.
Une grande diversité de pratiques
L’hétérogénéité de ces termes renvoie à la variété des acteurs et des pratiques qui se sont structurés, très souvent en autonomie. Les groupes d’entraide, les réseaux de soutien, les forums sur internet, les permanences téléphoniques et dans les établissements, etc. : toutes ces relations humaines sont des relations de pairité. Elles peuvent se dérouler de manière informelle, ou dans le cadre d’activités formellement organisées (rémunérées ou bénévoles).
Des initiatives anciennes
C’est à partir des années 2010 que les politiques publiques s’intéressent à la pair-aidance et en font la promotion.
Ce type d’organisation n’est cependant pas nouveau, et des initiatives de solidarité spontanée comme les Alcooliques anonymes ou les Narcotiques anonymes, qui ont émergé aux États-Unis dans la première moitié du 20e siècle, sont d’ailleurs bien connues. Elles ne sont pas les premières : le Popular Health Movement remonte quant à lui au 19e siècle.
En France, au début du 20e siècle, les deux tiers des communes françaises étaient pourvus de sociétés de secours mutuel : fondées et administrées par des mutilés de la Première Guerre mondiale, ce sont des sociétés de pairs. Dans le domaine de la santé mentale, plus tôt encore, ce sont plus de 300 collectifs auto-organisés par des personnes concernées qui se sont fédérés pour porter auprès du ministère un plaidoyer en faveur de l’existence d’un statut et d’un financement pour les groupes d’entraide mutuelle.
Self help et mutual aid
Les initiatives de pair-aidance ont pour point commun l’articulation des dynamiques de self help et de mutual aid.
La notion de self help provient du champ des addictions et des pratiques qui se sont développées en Amérique du Nord. Il s’agit de se prendre en main, d’être acteur de sa propre vie en tendant vers l’empowerment et l’autodétermination. Cela suppose également d’être autodidacte, de s’appuyer sur sa propre expérience.
La notion de mutual aid désigne l’engagement dans des relations d’entraide et solidarité, entre personnes vivant des expériences similaires. Cela peut se traduire par du soutien émotionnel, le développement de liens sociaux au sein d’un groupe d’appartenance, des coups de main matériels, etc.
Entrelacées avec le self help, les dynamiques de mutual aid sont des ressources pour les individus afin de se prendre en main.
S’intéresser à des expériences rares
Les groupes de pairs n’émergent pas à partir de n’importe quelle expérience de vie, mais se forment autour d’expériences rares, peu communes. Ces expériences rares mènent les individus à faire face à des situations problématiques qui restent sans solution par rapport à des problèmes ordinaires. Le recours aux proches, aux amis ou aux connaissances, est donc inadéquat, de même que l’appel aux professionnels, aux experts ou aux scientifiques.
Répondre à des problèmes spécifiques
Les pairs-aidants s’intéressent à des enjeux propres à la vie quotidienne des pairs, dont ils sont les seuls à avoir une expérience, et qui n’ont par conséquent pas attiré l’attention du sens commun. Par exemple, des pairs vivant des situations d’addiction cherchent à remédier à l’épuisement que provoque la consommation de cocaïne ; des pairs blessés médullaires échangent autour des techniques de contrôle des contractures, etc.
La construction de savoirs expérientiels
Les échanges d’expérience entre pairs aident les personnes à donner du sens à ce qu’elles vivent. À long terme, cela leur permet de mieux gérer ces expériences rares ainsi que leurs conséquences sociales — la stigmatisation et la discrimination. La pair-aidance consiste donc notamment à produire des savoirs élaborés à partir d’informations directement issues des expériences vécues.
Devenir pair : la reconnaissance réciproque
La pair-aidance se développe à travers des relations interpersonnelles et une identification réciproque : une personne devient un pair pour une autre lorsque toutes deux reconnaissent vivre des expériences rares similaires. Cela implique que les personnes fassent connaître ces expériences rares — ce qui n’est pas toujours le cas, car ce sont des expériences qui peuvent leur faire subir de la discrimination ou de la stigmatisation si elles sont dévoilées. L’identification à l’autre est pleinement subjective et se déploie donc spontanément.
Pouvoir échanger
Être pair-aidant suppose de faire preuve d’habileté sociale, d’être en mesure d’échanger avec ses pairs autour de ses expériences, d’être capable de mobiliser de manière opportune ses souvenirs. L’échange entre pairs est caractérisé par une proximité émotionnelle, qui est facilitée par le fait d’avoir en commun des expériences rares. Cela instaure de la confiance, une moindre crainte d’être jugé par l’autre, un sentiment d’égalité et d’horizontalité dans la relation.
Des pairs porteurs d’espoir
Si un pair semble bien se porter, cela permet à l’autre d’espérer une amélioration de sa propre situation.
Le pair peut valider l’expérience rare et les émotions qu’elle fait éprouver. La rencontre entre pairs peut donc favoriser le développement d’une meilleure estime de soi, amener davantage de confiance en soi, voire la capacité d’une acceptation de soi. Le lien créé par la relation de pairité vient compléter ce que peuvent apporter les professionnels du soin ou de l’accompagnement.
Des savoirs aux sources multiples
Un savoir expérientiel rare ne repose pas sur la seule expérience individuelle. Il peut partir d’une simple connaissance, mais il s’enrichit par la réflexion issue des échanges entre pairs, l’observation, et l’appropriation d’autres types de contenus.
Il implique de construire un langage qui permette de penser l’expérience.
Des savoirs aux formes multiples
Les savoirs expérientiels peuvent prendre des formes variées : savoir d’action, savoir technique, savoir procédural, savoir théorique, etc. — bien que certaines formes soient moins courantes que d’autres (par exemple, celle du savoir théorique). Les savoirs expérientiels ne sont donc pas réductibles aux savoirs pratiques et aux trucs et astuces.
Des savoirs ancrés dans la véracité et la réalité
Les savoirs expérientiels sont fréquemment associés à la conviction profonde de leur véracité. Cela tient probablement à leur fondement dans l’expérience. Cette certitude, ressentie par les pairs, s’accroît et se renforce à mesure qu’elle est confirmée par les témoignages et les échanges entre pairs. Il s’agit de connaissances caractérisées par le fait de ne pas être appréhendées comme des savoirs, mais comme des réalités.
Des savoirs singuliers
Les savoirs expérientiels sont singuliers : ils proviennent d’expériences individuelles et subjectives qui sont plus ou moins représentatives du vécu des autres pairs. Ils peuvent cependant prétendre à la généralisation s’ils sont soumis à un travail rigoureux de systématisation d’analyse des expériences.
Des savoirs évolutifs
Les savoirs expérientiels rares sont évolutifs : ils sont toujours susceptibles d’être remis en question par de nouvelles expériences et réaménagés, améliorés. Étant issus du processus de sémantisation de l’expérience vécue — de la recherche de l’expression du sens de ce vécu —, ils sont en permanence affinés et transformés pour être davantage compris et mieux exprimés.
Des transmissions atypiques
Contrairement aux autres savoirs, les savoirs expérientiels rares ne sont pas transmis de manière intergénérationnelle. En effet, ils ne sont pas passés par un processus de typification réciproque et de légitimation. Par exemple, une jeune fille rencontrée par Eve Gardien lors d’une enquête, qui souffrait de douleurs chroniques intenses, a expliqué que les conseils donnés par ses proches et les professionnels de santé ne lui ont été d’aucun secours face à cette situation. Elle a fini par découvrir que seul un isolement social de 48 h lui permettait de faire cesser ses crises de douleur.
Des savoirs qui intéressent les sciences
Les savoirs expérientiels rares sont différents des savoirs scientifiques : ils ne sont pas construits selon les mêmes règles. Ils diffèrent également des savoirs issus du sens commun, car ils ne résultent pas des mêmes processus sociaux.
Cependant, les savoirs expérientiels intéressent la science et posent de nombreux problèmes pratiques.
Des savoirs en question : évaluer l’expérience individuelle
Vivre une situation similaire ne signifie pas nécessairement en avoir la même expérience. Le savoir expérientiel d’une seule personne peut-il être représentatif d’une communauté de pairs ? Comment définir les expériences qui sont représentatives, et selon quels critères ? Certaines expériences sont-elles plus significatives que d’autres, ou bien toutes les expériences ont-elles la même valeur — mais alors seulement pour une seule personne ?
Des savoirs en question : évaluer l’expérience collective
Les savoirs expérientiels de certains groupes de pairs sont-ils plus pertinents et plus utiles que d’autres ? Les savoirs expérientiels des personnes directement concernées ont-ils plus de valeur que ceux de leurs proches ? Par exemple, des débats opposent certaines personnes sourdes — qui considèrent qu’il n’est pas souhaitable d’avoir recours aux implants cochléaires —, aux parents qui prennent la décision de faire opérer leurs enfants en bas âge au nom de leur développement. Comment départager ces deux types de savoirs expérientiels ?
Des savoirs en question : savoirs et politiques
Quels sont les savoirs expérientiels qui permettraient de construire des politiques publiques adaptées au développement de l’offre de services ?
Aujourd’hui, lorsque les savoirs expérientiels leur sont favorables, certains lobbies industriels du champ de la santé promeuvent l’émergence et la reconnaissance de mouvements de patients.
Des savoirs en question : la contribution aux travaux scientifiques
Comment les savoirs expérientiels rares peuvent-ils contribuer aux savoirs scientifiques ? Il existe de nombreuses initiatives de collaboration, par exemple les communautés mixtes de recherche (CMR), partiellement constituées de citoyens, dont beaucoup sont des pairs et des professionnels du champ du handicap. Ces communautés travaillent notamment à élaborer des conditions favorables de coproduction des savoirs scientifiques.
Table ronde — Pair-aidance : pratiques, structures et futur
Si la pair-aidance est désormais observée et recommandée par les politiques publiques, l’intégration des pairs et des savoirs expérientiels rares en est encore à ses débuts. Quels sont les retours de terrains ? Quelles sont les initiatives de structuration notables ? Quels enjeux restent à explorer ? Quelles sont les actions recommandées ? Autant de questions qui ont animé les échanges autour du livre d’Eve Gardien.

Laetitia Rebord
Partir d’un manque
Le parcours de Laetitia Rebord commence par l’expérience personnelle de la difficulté à avoir accès à une vie affective et sexuelle.
Dans son parcours de femme handicapée, ces enjeux lui ont semblé niés et invisibilisés, même au sein des luttes des personnes handicapées. Cela lui a donné le sentiment de ne pas exister.
Se former, s’engager
En 2009, elle suit une formation du programme Handicap international afin d’animer des groupes de parole autour de la vie affective et sexuelle. En 2014, elle s’engage en tant que bénévole à l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas), alors présidée par Marcel Nuss.
Elle milite pendant 4 ans, ce qui vient compléter sa formation.
Au cœur de la pair-aidance
En 2016, elle fait appel à un accompagnant sexuel formé à l’Appas, ce qui lui permet d’avoir sa première relation amoureuse — elle a alors 35 ans. Cela lui donne envie d’accompagner des personnes à son tour, pour prodiguer l’accompagnement qu’elle aurait aimé recevoir elle-même. Elle commence par témoigner, puis se professionnalise. Afin de gagner en légitimité, elle suit le DU « Personne experte en situation de handicap » (Paris Diderot). Elle y apprend finalement assez peu, déjà forte de sa propre expérience.
Sexpair
En 2021, elle fonde son entreprise, « Sexpair », qui a pour ambition de faciliter l’accès des personnes handicapées à une vie affective et sexuelle épanouie. Elle propose pour cela différents types d’accompagnements, notamment des groupes d’expression et des séances de coaching. Elle y aborde des sujets comme la liberté affective et sexuelle, l’autodétermination, la formation des professionnels de santé, du social et du médico-social. Elle accompagne également les proches aidants.
Elle s’investit, plus largement, dans un travail de sensibilisation via les réseaux sociaux. Elle produit des formats vidéo, et plus récemment des podcasts.
Être pair
Pour elle, être pair ne consiste pas seulement à raconter son histoire, à proposer un témoignage : il s’agit d’une transmission de savoirs d’expérience.
Ces savoirs doivent avoir été analysés afin de pouvoir accompagner l’autre sans projeter sur lui son expérience et sans lui imposer son point de vue. Les personnes qu’elle accompagne ont des types de handicaps différents, et peuvent avoir des vécus également très divers.



Yves Bancelin, ESPER Pro
Le principe
Pour l’association ESPER Pro, le potentiel humain doit être au cœur de la relation d’aide. L’association a été créée par les premiers médiateurs pair en santé mentale en France.
Elle s’appuie sur les principes fondamentaux du droit associatif : la liberté de s’associer pour créer quelque chose ensemble, la non-lucrativité, la démocratie interne et la transparence. Elle vise à fédérer les pairs-aidants et à faire reconnaître l’utilité de la médiation paire auprès des pouvoirs publics.
L’action
Avec son réseau très dense, composé d’une trentaine de salariés, d’une centaine de bénévoles et d’autant de partenaires, ESPER Pro a un objectif majeur : créer un centre de ressources pour accompagner le développement de la pratique des pairs-aidants et soutenir les collectifs de pairs dans leur structuration. En effet, il s’agit selon Yves Bancelin d’initiatives ponctuelles qui ne peuvent exister que si elles sont intégrées dans une action plus vaste.
Les objectifs
Pour atteindre son but, l’association s’est donné trois objectifs : 1) impulser une communauté de pratiques psychosociales en s’appuyant sur les pratiques orientées par le rétablissement et les savoirs expérientiels ; 2) structurer et renforcer le développement et l’essaimage de la médiation par les pairs sur l’ensemble de la région PACA et en France ; 3) provoquer des changements quant aux représentations sociales négatives des troubles psychiques et de la psychiatrie.

(S)’informer
L’accès à l’information est crucial pour le rétablissement en santé mentale : il est important de pouvoir se renseigner sur les troubles psychiques et sur les stratégies permettant de surmonter les difficultés psychiques et leurs répercussions physiques. L’information doit être facile à trouver, et il faut aussi que les personnes concernées puissent s’approprier leur histoire afin d’être en mesure de partager leurs savoirs expérientiels.
Le conseil d’administration
Comme toutes les associations, ESPER Pro est structurée autour de son conseil d’administration, qui a une composition paritaire. Il réunit des personnes concernées par les problématiques de santé mentale et des acteurs institutionnels. Il est donc représentatif de la diversité des sujets traités, et doit assurer des perspectives de développement qui soient en phase avec les réalités du terrain.
L’équipe de direction
L’équipe de direction s’occupe du pilotage stratégique et opérationnel. Il s’agit de responsables d’antennes, qui sont des relais permettant de diffuser les pratiques développées au sein des différents territoires.
Les ambassadeurs
Les ambassadeurs sont des collaborateurs de terrain. Ils et elles travaillent en lien direct avec des équipes (le plus souvent pluridisciplinaires) intervenant au sein de structures comme les services hospitaliers, les unités de réhabilitation psychosociale — dans les cliniques privées ou les hôpitaux publics. Les médiateurs pairs sont présents dans une grande diversité d’établissements sociaux, médico-sociaux et sanitaires. Ils y assurent des fonctions d’accompagnement des personnes — soutien, écoute, orientation, partage de ressource, aide à la mobilisation des droits, etc.
Le comité scientifique et technique
Le comité scientifique et technique est un appui stratégique et éthique pour porter les démarches mises en œuvre.
L’équipe du siège
L’équipe du siège comprend cinq pôles d’activité :
- le pôle accompagnement, qui est un espace d’accueil tout public ;
- le pôle santé communautaire, qui rassemble des personnes intéressées par la pair-aidance ou la prévention en santé
- le pôle essaimage, qui travaille à développer les réseaux de pairs ;
- le pôle formation, qui permet aux bénévoles et aux salariés de travailler leur posture de transmission face aux professionnels ;
- le pôle professionnalisation, qui accompagne la montée en compétence des médiateurs.
La professionnalisation
Le pôle professionnalisation propose notamment un programme de formation « découverte », qui permet de faire ses premiers pas autour du concept de rétablissement, de la notion de pair-aidance et de la médiation en santé.
Puis, en signant une fiche de mission, il est possible de découvrir quel pair-aidant on est, et si ce rôle convient. Vient ensuite la mise en situation professionnelle au sein d’équipes pluriprofessionnelles.

Les groupes d’intervision
Afin d’accompagner les pairs en formation professionnalisante, des groupes d’intervision ont été créés. Ils permettent d’échanger autour de l’analyse des pratiques de pair-aidance.
Les capsules santé
La création de « capsules santé » réunit tous les acteurs : professionnels, salariés et bénévoles. Elles permettent d’actualiser ses connaissances sur la gestion du stress, l’animation de groupes de psychoéducation sur le sommeil, l’alimentation, etc.
Le soutien au développement professionnel
Les managers de l’équipe du pôle professionnalisation, qui sont des pairs-aidants expérimentés, offrent également un soutien au développement professionnel. Cela se fait en lien avec une psychologue spécialisée en neuropsychologie, elle-même porteuse de savoirs expérientiels.

Maxime Oillaux
Une grande diversité
Maxime Oillaux témoigne du fait que depuis le début de sa carrière, il y a une dizaine d’années, un important travail d’harmonisation a été effectué autour des enjeux de la pair-aidance.
Pour autant, ses conceptions, ses pratiques et ses buts sont encore très divers.
De nombreuses initiatives
Les savoirs d’expériences rares ne concernent pas seulement les personnes en situation de handicap. De nombreuses initiatives et politiques publiques existent en effet dans les champs de la santé (et plus particulièrement de la santé mentale), de l’exclusion, des addictions, de l’enfance, du vieillissement, des violences sexistes et sexuelles, etc. Souvent, les personnes concernées font l’expérience de l’intersectionnalité des problématiques qui les touchent.
Diversité des formes
La pair-aidance peut être pratiquée de manière individuelle ou collective, et ce sous différents statuts — salariat, bénévolat, autoentrepreneuriat, associations, entrepreneuriat, créations de plateformes, d’associations, de coopératives, etc. Certaines personnes sont attachées au bénévolat et à la gratuité, tandis que d’autres s’attellent à la question de la rémunération des activités des pairs-aidants.
Diversité des lieux d’intervention
Les pairs-aidants interviennent dans de multiples environnements et contextes : entreprises, associations dédiées à des enjeux précis (par exemple, dans le champ du handicap, les associations peuvent se structurer par type de handicap), services publics (par exemple dans les MDPH — Maisons départementales des personnes handicapées), établissements et services médico-sociaux et sanitaires, etc.
Diversité des pratiques
La pair-aidance mobilise différents métiers : coachs, conférenciers, formateurs. Certaines prestations sont proches du travail d’éducateur spécialisé, de conseiller d’orientation, de facilitateur de choix de vie, etc. Les pairs peuvent intervenir au titre du savoir expérientiel (par exemple, comme sexologue), ou développer des pratiques liées à la représentation, à la défense collective des droits.
Cette diversité peut parfois avoir des effets concurrentiels.
Un défi pour les politiques publiques
La grande diversité qui caractérise la pair-aidance pose un défi important en matière de politiques publiques : quelles initiatives financer, et de quelle manière ? Quels cadres poser aux pratiques ? La médiation en santé pair, par exemple, a fait l’objet d’une phase d’expérimentation, puis d’une généralisation avec la création et le financement de postes, le développement d’un métier et d’une formation. Faut-il continuer à développer ce type de dispositifs ? Pour quelles pratiques les développer ?
La professionnalisation
La professionnalisation est un enjeu important de la pair-aidance. Le développement de formations peut être une réponse : permettre aux personnes d’acquérir les compétences nécessaires à la transmission des savoirs d’expériences rares. La professionnalisation peut aussi se matérialiser à travers le développement d’un statut au sein d’un écosystème donné comme celui du sanitaire. La rémunération, enfin, est au cœur des demandes des pair-aidants qui entendent faire de leurs activités un métier.
Rémunérer la pair-aidance
La demande de rémunération d’une activité qui mobilise des compétences, implique de donner de son temps et de son énergie, est légitime. Cela pose la question de savoir comment organiser cette rémunération : faut-il solvabiliser les bénéficiaires de la pair-aidance en les aidant financièrement à faire appel à cette pratique, ou faut-il plutôt se focaliser sur les prestataires en créant des postes, en finançant le développement de plateformes ou de coopératives de pairs-aidants ?
Encadrer sans enfermer
La professionnalisation de la pair-aidance fait courir des risques dont il est important de se prémunir : encadrer des pratiques peut tout autant les soutenir que les enfermer. Il faut éviter que cela réinstitutionnalise les personnes en situation de handicap, entrave leur liberté et vienne contrôler leurs discours. Il convient donc que les pouvoirs publics construisent leurs actions en dialogue avec les personnes concernées, en les interrogeant sur leurs pratiques, leurs souhaits et ce qui pourrait les soutenir.
Soutenir et visibiliser
Si les pratiques de pair-aidance sont très diverses, les praticiens sont encore en nombre très restreint et exercent rarement leurs activités à temps plein. En outre, ils sont peu visibles et faiblement insérés dans les écosystèmes du soin et de l’accompagnement. Les dispositifs créés en faveur de la pair-aidance visent donc à promouvoir le développement de ces pratiques (notamment par la formation) et à faciliter la rencontre entre l’offre et la demande.
Le contrôle de la parole des pairs-aidants
Laetitia Rebord constate que certaines institutions font appel à la pair-aidance dans le but d’améliorer leur image, tout en tentant de contrôler sa parole et le contenu de ses interventions. Elle refuse que les professionnels assistent à ses groupes de paroles entre pairs, sauf nécessité d’accompagnement liée au handicap. Il lui a parfois été demandé d’éviter certains sujets comme la parentalité ou la grossesse.
L’importance d’une reconnaissance statutaire
Laetitia Rebord souligne que la reconnaissance statutaire des pairs-aidants est très importante : le métier doit être défini dans des référentiels, offrir un véritable statut ainsi que des débouchés.
Des personnes souhaiteraient en effet devenir pairs-aidants et se tournent vers elle pour savoir comment s’y prendre : si elle peut les renseigner sur l’existence de certains diplômes, elle ne peut pas leur assurer qu’ils trouveront du travail.
Un public très précaire
Laetitia Rebord note que les personnes qui pourraient bénéficier des services des pairs-aidants sont souvent très précaires. Elles sont donc peu susceptibles de pouvoir se payer les prestations d’accompagnement ou de coaching qu’elle offre en santé sexuelle. Des financements publics devraient être prévus pour leur donner accès à ces prestations et rémunérer les personnes qui les conçoivent.
Impliquer les pairs-aidants
Pour Laetitia Rebord, les pairs-aidants devraient toujours avoir une place importante dans les groupes de travail et les instances construisant l’avenir de la pair-aidance. Bien souvent, elle est seulement appelée à témoigner, et n’est pas rémunérée pour sa contribution. L’implication des pairs-aidants dans l’élaboration des formations au métier est également cruciale : elles doivent être co-construites afin de créer une dynamique de pairité.


Exercer et défendre des droits
Pour Yves Bancelin, les pairs-aidants doivent en même temps s’intégrer en tant que professionnels, défendre les droits des personnes qu’ils accompagnent et se projeter dans l’avenir d’une profession qui reste encore très largement à installer et à définir.
Il s’agit donc de poursuivre le travail de reconnaissance et de définition du rôle des pairs-aidants : c’est cela qui facilitera et améliorera leur insertion au sein d’équipes qui, pour le moment, saisissent mal ce qu’ils peuvent apporter.
Dépasser les limitations institutionnelles
Yves Bancelin constate que la pair-aidance se déploie dans un contexte institutionnel souvent réticent aux initiatives en matière d’accompagnement et d’intervention, notamment du fait de problématiques de responsabilité médicale. Il estime que pour faire face à ces difficultés, une solution pertinente consiste à développer des structures pilotées par les personnes concernées, pour répondre à des besoins recueillis sur le terrain.
Pair-aidance et empowerment
Pour Eve Gardien, le développement de la pair-aidance et la prise en compte des savoirs expérientiels est l’une des nouvelles formes que prend actuellement la participation des personnes concernées, et qui gagne progressivement en légitimité. Il y a un lien fort entre pair-aidance et empowerment — il s’agit d’une posture éthique adoptée par les pairs, qui soutiennent par leurs pratiques le développement du potentiel de celles et ceux qu’ils accompagnent.
Un besoin de visibilisation
Les professionnels du soin et de l’accompagnement sont encore mal informés sur la pair-aidance et la prise en compte des savoirs expérientiels. Afin d’améliorer l’inscription des pratiques de pair-aidance dans les équipes, il est important d’en sensibiliser et d’en former les différents acteurs. Cela permettrait que leurs attentes soient en adéquation avec ce que peuvent apporter les pairs-aidants et avec leurs compétences. Ainsi, les pairs pourront agir en complémentarité des interventions déjà existantes dans ces secteurs.
La reco culture de Laure Saincotille

Le documentaire De la survie à la vie : l’incroyable parcours de jeunes face aux troubles de santé mentale (France TV Slash) est l’occasion de découvrir l’association « La Maison perchée », une initiative de pair-aidance en santé mentale. On y découvrir le parcours de ses membres fondateurs, l’aventure de la création de l’association et de l’ouverture de son lieu : un café en plein cœur de Paris où il est possible d’échanger entre pairs, de participer à des ateliers, d’assister à des conférences, etc.
En complément de ce documentaire, une visite du site internet de l’association vous permettra d’en apprendre plus sur les diverses activités de l’association, sa démarche et les missions qu’elle se donne. Outre l’accompagnement de jeunes adultes vivant avec un trouble psychique, l’association produit et rassemble un grand nombre de ressources permettant de s’informer sur et de vivre avec les troubles psychiques.
Participez à la déstigmatisation des troubles psychiques : passez l’info !
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