Dans un contexte où la société doit évoluer pour prendre en compte les enjeux liés aux situations de handicap et de perte d’autonomie en lien avec l’avancée en âge, quel est l’état actuel du dialogue entre la science et la société ? Comment soutenir ce dialogue pour assurer la participation de toutes et tous au débat public ? Ce sont là les grandes questions à l’origine de cette consultation qui s’adresse à toute les personnes travaillant ou intéressées par la thématique du handicap et du vieillissement. Vous avez jusqu’au dimanche 2 mars pour y contribuer. Marianne Vigneulle, responsable de la médiation scientifique au PPR Autonomie, nous en dit plus sur le contexte et les objectifs de cette consultation.
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PPR Autonomie – Marianne Vigneulle, vous êtes responsable de la médiation scientifique au PPR Autonomie depuis près de 2 ans maintenant. Quel regard portez-vous sur l’état actuel des liens sciences-société ? Les dynamiques que vous pouvez observer dans le domaine du handicap et du vieillissement sont-elles singulières ?
Marianne Vigneulle – Je viens d’un autre domaine professionnel et lorsque j’ai pris mon poste au PPR Autonomie, j’ai été étonnée de constater que les pratiques de médiation dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) étaient si peu développées et structurées, alors même que la question des liens sciences-société est de plus en plus présente dans les discours publics et institutionnels. Il y a bien sûr des initiatives individuelles, quelques dispositifs, des postes dédiés comme le mien, mais encore trop peu de soutiens, de moyens pérennes, d’inscription dans les pratiques scientifiques. Je pense que l’ESR manque à une partie de sa mission de service public en n’intégrant pas pleinement le partage des résultats et le dialogue avec les citoyens dans son fonctionnement.
Pour ce qui concerne le domaine du handicap et du vieillissement – ce sera l’objectif de la consultation de répondre à cette question – mais il me semble qu’il ne fait pas exception, alors que les défis sociétaux y sont majeurs. Je suis pourtant convaincue que la recherche, notamment en sciences sociales, peut avoir un impact social, un impact sur les pratiques, sur les représentations, sur la vie des citoyens.
Personnellement, j’ai découvert les recherches sur le handicap alors que je travaillais comme animatrice dans un centre de réadaptation. Certains travaux m’ont passionnée. Ils ont changé mon approche, nourri ma pratique, m’ont amenée à mieux comprendre le contexte professionnel dans lequel j’évoluais et ouvert de nouvelles perspectives. En reprenant des études, j’ai eu la possibilité d’échanger directement avec des chercheuses et chercheurs, d’interagir et de faire dialoguer ma pratique, mes questionnements et mes observations avec leur actualité de recherche. J’ai trouvé cela particulièrement enrichissant et je crois qu’il est important de penser les liens sciences-société dans une logique de rencontre et pas uniquement de diffusion des connaissances. Ce pas vers la recherche s’est pourtant amorcée sur un hasard : l’intervention d’un chercheur lors d’une journée professionnelle, à laquelle je me suis rendue par curiosité. Sans cet événement, j’aurais probablement poursuivi mon parcours professionnel sans identifier la recherche comme potentielle ressource.
PPR Autonomie – Ce 20 janvier, vous lancez avec vos partenaires [1] une consultation visant justement à interroger l’état actuel des liens entre la science et la société dans le domaine du handicap et du vieillissement. Quels en sont les objectifs ?
MV – Cette question des liens sciences-société constitue un enjeu commun à nos structures, et il nous semble que nous pourrions y contribuer plus efficacement en coordonnant et mutualisant nos ressources, nos initiatives et nos expertises. Nous réfléchissons donc à l’opportunité d’initier ensemble un dispositif favorisant le partage des connaissances, une meilleure prise en compte des préoccupations des personnes concernées, et le dialogue des savoirs dans le domaine du handicap et du vieillissement.
Cette consultation s’inscrit dans le cadre du travail de préfiguration de ce projet. L’objectif est de vérifier si nos observations et intuitions sont partagées, et de mesurer s’il existe effectivement, de part et d’autre, un besoin et une envie commune de renforcer les liens sciences-société, dans un esprit de réciprocité.
Ce qu’on cherche à savoir, c’est par exemple si les travaux de recherche sont connus et mobilisés, s’ils semblent accessibles, si les personnes concernées trouvent que la recherche est à l’écoute de leurs préoccupations, si les chercheurs ont envie de travailler davantage avec des acteurs de la société et réciproquement, etc.
En somme, il s’agit de savoir si la perspective d’un dispositif dédié fait sens, à la fois dans le milieu académique et auprès des personnes concernées, dans les milieux de pratiques et de prise de décision.
PPR Autonomie – A qui s’adresse cette consultation ? Pourquoi y répondre ?
MV – Cette consultation s’adresse à toutes les personnes concernées ou intéressées par le domaine du handicap ou du vieillissement, que ce soit à titre personnel ou professionnel. Il n’y a pas de connaissances nécessaires pour y répondre, ni de bonne ou mauvaise réponse aux questions posées. Il s’agit simplement d’indiquer dans quelle mesure on est d’accord ou non avec les affirmations proposées.
Pourquoi y répondre ? Je dirais donc tout d’abord pour donner son avis ! Et par là, orienter les choix de nos structures afin de développer des actions qui font sens, répondent aux besoins pour les années à venir et sont construites non seulement avec les acteurs académiques mais aussi les personnes concernées ou intéressées par la recherche sur le handicap et le vieillissement.
PPR Autonomie – Cette consultation s’inscrit dans un travail plus large de préfiguration d’un dispositif visant à soutenir les liens entre la recherche et la société. Quelles en sont les prochaines étapes ?
MV – Il s’agit effectivement d’une première étape de consultation, menée en parallèle d’un travail de documentation et de prises de contact auprès de porteurs d’initiatives similaires, comme les boutiques des sciences ou la plateforme Seintinelles.
Mais c’est surtout un travail que nous souhaitons faire avancer dans la co-construction ! Celles et ceux qui le souhaitent, peuvent nous indiquer leur intérêt à prendre part à la suite des travaux, au travers de temps d’échange et de travail collectifs. Il s’agira dans un premier temps de préciser les besoins et les attentes, puis de travailler aux contenus et actions du dispositif, sans oublier les aspects de structuration (modèle économique, gouvernance, statut juridique).
Pour ce travail de préfiguration nous sommes également conseillées par l’association Sciences citoyennes, qui a une expertise importante sur la question des liens science-société et une expérience d’accompagnement de dispositifs d’intermédiation sciences-société.
L’objectif est de pouvoir partager le rapport de préfiguration fin juin.
PPR Autonomie – Un dernier mot ?
On compte sur votre mobilisation ! Répondez, partagez, parlez-en autour de vous. Plus vous serez et nous serons nombreuses et nombreux à répondre à cette consultation, et par là même à manifester notre intérêt sur le sujet des liens sciences-société, plus nous auront des chances de faire aboutir un projet ambitieux. Même si vous ne partagez pas cet intérêt ou ne le jugez pas prioritaire, dites-le nous !
Notes
Interview réalisée et mis en forme par Claudia Marquet, responsable de l’administration et du pilotage du PPR Autonomie.
[1] Cette consultation est organisée conjointement par les équipes de la Fedrha (Fédération pour la recherche sur le handicap et l’autonomie), de la FIRAH (Fondation internationale de recherche appliquée sur le handicap), du PHS-EHESS (Programme handicap et sociétés), et du PPR Autonomie (Programme prioritaire de recherche) qui portent le travail de préfiguration de ce dispositif.